Interview de Remi Riccoboni couvreur à Paris Chez les Compagnons du Devoir

Publié le 12 septembre 2014

Les Compagnons du devoir : des métiers qui recrutent !

RemiSellier, solier-moquettiste, métallier ou encore chaudronnier. Vous ne savez pas en quoi ces métiers consistent ? Dommage, car ils recrutent ! Considérés comme moins fashion, plus pénibles et moins rémunérateurs que les métiers du tertiaire, ces postes méconnus du bâtiment ou de l’industrie sont pourtant recherchés sur l’ensemble du territoire. Les Compagnons du devoir (organisme de formation aux métiers de l’artisanat), estiment à 2 000 le nombre d’emplois restant à pourvoir au sein de leurs entreprises partenaires en France. En cause, un marché fragmenté en TPE (très petites entreprises) et une méconnaissance des métiers. Après avoir posé le diagnostic, ils lancent une campagne pour venir à bout des idées reçues.

 

> Des métiers “trop discrets” ?

 

Nous connaissons tous le travail du maçon qui a bâti un immeuble, mais qui remarque l’escalier de secours en métal ? Qui s’interroge sur les techniques mises en place pour qu’il réponde aux normes de sécurité et ne prenne pas feu ? C’est justement le travail dumétallier. Quand les sièges de nos métros et tramways changent de couleur, nous le remarquons tous, mais qui sait qu’un sellier se cache derrière cette métamorphose ?

L’Opéra Bastille à Paris ou les parois en titane du musée Guggenheim de Bilbao : de l’art mais aussi beaucoup de technique. Jean-Jacques Lemaître dirige à Roubaix une entreprise de systèmes oléo-hydrauliques, des mécanismes qui actionnent par exemple les bras des pelleteuses. Sa société est présente aussi sur les plates-formes pétrolières, les manèges des fêtes foraines ou lors de la construction des parkings souterrains. Malgré leurs nombreuses applications, “ces mécanismes ne se voient pas, et le métier est donc méconnu”, regrette-t-il, “alors que c’est si gratifiant de créer le mouvement.

 

> Une image de pénibilité tenace

 

Antoine Fafournoux est compagnon mécanicien-outilleur et, à 25 ans, prévôt (directeur) de la maison des Compagnons de Villeneuve d’Ascq dans le Nord. Pour lui, le problème vient d’une image de pénibilité. Des métiers comme maçon ou couvreur font peur, notamment aux parents. “Ils se disent que ce sont des conditions difficiles, en extérieur, en hauteur, que c’est dangereux.” Ils freinent leurs enfants ou les orientent plutôt vers la menuiserie ou la plomberie. “Certains postes sont durs physiquement”, reconnaît Thomas Lesne, directeur du marketing au sein des Compagnons, “mais dans le secteur des services c’est parfois pire nerveusement. Dans les petites sociétés d’artisanat, on n’est pas un numéro.

 

> Des métiers qui permettent à l’ascenseur social de fonctionner !

 

Compagnons du devoirAutre problème d’image, ces métiers sont considérés à tort comme des métiers “finis”, sans évolution de carrière possible. « Les parents s’imaginent que leur enfant va passer sa vie sur les toits à poser des tuiles. Or, une fois le métier maîtrisé, ils peuvent devenir chefs d’équipe, conducteurs de travaux ou se mettre à leur compte » nous confie Rémi Riccoboni, couvreur en Seine-et-Marne. Pour lui, les métiers de l’artisanat et du bâtiment sont encore ceux qui permettent à l’ascenseur social de fonctionner, « parce que ce sont les compétences réelles qui sont valorisées : tu sais faire ça, tu vaux ça, tu sais faire ça en plus, tu vaux ça en plus. » Mais à une condition : raisonner à quatre ou cinq ans. « Les jeunes trouvent que ce sont des postes difficiles pour, au début, une rémunération au SMIC identique à celle d’un fast-food. » Ils ne mesurent pas immédiatement qu’ils acquièrent des savoir-faire qu’ils pourront valoriser ensuite. Par exemple, un chef d’équipe couvreur sera rémunéré plus de 2 000 euros net par mois en région parisienne.

« Acquérir un métier manuel est un travail de longue haleine que les jeunes ne doivent pas entreprendre par dépit, comme pour un job d’été, ou pour occuper leur temps en attendant mieux ». Selon lui, le système éducatif a trop longtemps orienté les jeunes en échec scolaire vers ces professions et cela a contribué à dévaloriser leur image. Si le secteur a du mal à recruter, ce n’est pas par manque de candidatures mais par manque de candidatures motivées.

 

> On fabrique encore en France !

 

« Nous avons aussi du mal à séduire les meilleurs éléments, car ils ont l’impression que tout a été, ou va être, délocalisé », explique Thomas Lesne. « Les plans sociaux dans les grands groupes nous ont fait beaucoup de mal en terme d’image ». Or, il y a encore une industrie en France, des pièces des téléphones portables à celles des machines à coudre. C’est surtout une question de structure : les emplois manuels sont répartis dans des TPE. Le marché actuel c’est : 100 TPE qui cherchent UN seul salarié plutôt qu’UNE entreprise qui cherche 100 salariés. Pour les organismes de formation et de placement, cela demande une mise en réseau des informations d’une région à l’autre.

 

Article tiré de la page :

http://www.emploi-transitions-professionnelles.fr/ces-metiers-insoupconnes-qui-peinent-a-recruter/